H comme Hollywood

H comme Hollywood

Il y avait longtemps que je n’avais dévoré une série comme ça. À peine sortie le 1er mai sur Netflix, je me suis calé hier soir dans le canapé pour regarder le premier épisode sans me douter que j’allais enchainer les sept épisodes à la suite… Créée par Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, Pose, et l'excellent Feud, pour ne citer que ceux-là), Hollywood a tout pour séduire le cinéphile sérievore puisqu’elle nous entraîne dans l’Âge d’Or du cinéma pour suivre les premiers pas d’une joyeuse bande de jeunes dans cet univers impitoyable où les rêves de gloire sont écrasés par le poids du sexisme, du racisme et de l’homophobie.

Cette mini-série nous livre sur un rythme endiablé une galerie de personnages particulièrement attachants. Rapidement on se prend d’affection pour ce jeune acteur venu de sa province contraint de vendre ses charmes en attendant de percer, pour cette actrice noire qui veut jouer autre chose que des rôles caricaturaux de servantes, pour cet auteur noir et homosexuel qui veut convaincre les studios de tourner son script malgré ses deux "handicaps"…
Les personnages féminins ne sont pas en reste avec des femmes fortes et indépendantes comme Avis Amberg (superbement campée par Patti Lupone) qui reprend les rênes des Studios Ace, ou encore Ellen Kincaid (magistrale Holland Taylor) en executive woman.
Au casting également, je suis obligé de mentionner le plaisir de retrouver Jim Parsons (Sheldon in TBBT, Hidden Figures, The Normal Heart…) dans le rôle du célèbre agent tyrannique et homosexuel Henry Willson qui aujourd’hui figurerait sur le banc des accusés à côté Harvey Weinstein…

J’ai beaucoup aimé être la petite souris qui se glisse de l’autre côté du miroir pour assister à la fabrication d’un film, avec tous les rouages, les manipulations, les batailles d’égo que cela implique.
Le format de la mini-série me satisfait de plus en plus : plusieurs épisodes pour donner de la densité à une histoire et aux personnages avec au final une conclusion claire, nette et précise. On ne nous inflige pas un cliffhanger de folie pour nous tenir en haleine jusqu’à une saison deux. Ici, tous les arcs narratifs sont bouclés et on peut tourner la page tranquillement en rêvassant selon son bon plaisir à l’avenir des protagonistes.
Hollywood est une série de type Feel Good à l'excès, et c’est peut-être là aussi son principal défaut*.
 

Bande-Annonce sur Youtube

 

* ### SPOILERS ALERT ###

Si justement Hollywood est une série feel good, c’est aussi peut-être parce qu’elle nous présente une version idéalisée de ce monde en réécrivant sérieusement l’Histoire du Cinéma. Si en sept épisodes, toutes les problématiques trouvent un heureux dénouement, la réalité est toute autre et certains points soulevés dans le scénario ont eu besoin de dizaines d’années pour être plus ou moins réglés.
Par exemple, si dans la série Camille Washington remporte l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans Meg, dans la vraie vie, il aura fallu tout de même attendre 2002 avec Halle Berry pour qu’une actrice afro-américaine ait cet honneur. Pareil pour la réécriture de la vie de Rock Hudson dont l’homosexualité a été révélée uniquement en 1985 suite à l’annonce de sa séropositivité, alors qu’ici il l’assume fièrement sur le tapis rouge de la cérémonie des Oscars.
Il a clairement été fait le choix de la happy ending quitte à mentir en prenant de grosses libertés avec les faits. Cela me pose deux problèmes. D’abord cela décrédibilise un peu la critique initiale qui pointait du doigt les problèmes du sexisme, du racisme et de l’homophobie. Leur permettre d’être résolus en une simple année minimise leur importance. Ensuite, c’est aussi quelque part une insulte envers les minorités qui ont continué à en souffrir pendant des décennies et des décennies. Ce lissage de leurs luttes a quelque chose d’un peu gênant.
Et aujourd’hui encore, il n’y a qu’à regarder les scandales qui suivent l’annonce des nominations aux Oscars à propos de la faible présence des artistes non-blancs, ou encore l’impossibilité pour un acteur ouvertement homosexuel de jouer autre chose qu’un rôle lgbt pour se dire que cette série à gravement mis la charrue avant les bœufs.
Et pourtant, je me suis laissé charmer par cette série que je recommande malgré tout. Sans ce reproche Hollywood aurait certainement figuré dans ma liste de séries préférées.

À propos de Rock Hudson, je n’ai pas pu m’empêcher de penser au scandale qui avait suivi la sortie de Bohemian Rhapsody, où des critiques hurlaient "Sacrilège !" concernant la représentation de Freddie Mercury et le soi-disant bémol qui avait été mis sur son homosexualité et sa séropositivité. Au final, ces deux choses étaient plus évoquées dans le film que Freddie Mercury n’en avait parlé lui-même. Donc je n’avais pas trop compris la levée de boucliers.
Ici, c’est le problème inverse. On se retrouve avec un Rock Hudson en mode Gay Power qui assume contre les recommandations de son agent et du studio. Cela m’a d’autant plus perturbé que d’autres personnages réels sont décrits avec justesse (comme son agent justement). Il aurait peut-être été préférable de renommer Rock en Rick, je ne sais pas… Après tout la MGM et Universal ont bien été renommés en Ace Studios…
En laissant décanter un peu l’enthousiasme du visionnage, je me dis qu’en fait, cette série donne l’impression d’assister à un univers parallèle à la Terre, où les choses sont similaires mais sensiblement différentes et optimistes.

Hollywood reste tout de même un bel hommage au cinéma avec un message clair contre les discriminations de toutes sortes. Et ça, ça fait franchement plaisir à voir.