Le principe ? Une photo donnée à illustrer par un texte de son cru et un texte donné à illustrer par une photo à soi…
Les contraintes de cette semaine sont expliquées sur ce billet de FranckPaul.

 

Voyage à Lisbonne
La Bouée © FranckPaul

 

Depuis qu’il avait été inscrit au « Bébés Nageurs », le petit Jean-Denis avait toujours été fasciné par l’eau, la mer et les poissons. Son enfance aurait été parfaite s’il n’avait grandi en entendant constamment son père vitupérer les employés qui travaillaient dans l’entreprise familiale. Il ne se passait pas une semaine sans qu’il assiste à une de ses tirades acides contre eux. « Maudits syndicats, il faudrait les supprimer. Sans syndicats, les ouvriers ne pourraient plus se mettre en grève ! » était sa rengaine favorite. Marie-Eugénie, sa mère, se faisait un sang d’encre et priait chaque soir en secret pour que son enfant ne devienne pas comme son paternel, un bourgeois parvenu dont le seul mérite avait été d’hériter d’un fauteuil de Président Directeur Général.

Comme chaque année, Jean-Charles Duchemin prenait sur lui en oubliant son aquaphobie et sacrifiait son dernier samedi de juin pour emmener Jean-Denis en bateau. Et comme chaque année, il disait à son fils « Vérifie la bouée… Si le bateau coule… ». Lorsqu’ils avaient pris le large, le gamin pouvait pêcher pendant que son père lisait Le Figaro. Ce jour-là, un article du journal l’énerva et déclencha une crise de colère plus violente qu’à l’accoutumée. Jean-Denis quitta sa ligne des yeux juste à temps pour voir le pied de son père passer à travers le plancher du bateau. « On va couler, on va couler ! », hurlait Jean-Charles pris de panique. L’enfant dénoua la bouée du bastingage et la lança aussi loin que ses forces le lui permettaient. Il se retourna fièrement vers son père pour lui dire « Maudite bouée, il faut la supprimer. Sans bouée, le bateau ne peut plus couler ! ».

Aux funérailles de Jean-Charles Duchemin, Marie-Eugénie tenait la main du petit Jean-Denis. Entre chaque témoignage de condoléances, elle s’efforçait de ne pas sourire. Ses prières avaient été exaucées.


« Je regarde danser le fer à cheval en cuir censé porter bonheur à la conductrice de la vieille BM qui m’emmène au trou du cul du Jura et je repense au fou rire qui nous a secoués la semaine dernière. »
Texte de Paul Dindon aka Laurent , Deux kilomètres et trois cents mètres.

Fer à BMW
Fer à BMW © Yann Orpheus