On ne peut être déçu que par des personnes en qui on a placé sa confiance.
Sarkozy ne m'a jamais déçu, je ne lui ai jamais fait confiance et n'espérait rien de lui. Il m'aurait probablement déçu en faisant quelque chose de bien, ce qui n'a jamais été le cas en 5 ans.
Si Hollande m'a déçu hier, c'est parce que je lui ai donné ma confiance.

Devant le Congrès de Maires de France, il a cru judicieux de devoir déclarer à propos de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe que "[les maires] auront, si la loi est votée, à la faire appliquer (...) la loi s’applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience" avant de préciser que "[des] possibilités de délégations d’un maire à ses adjoints existent et peuvent être élargies".
On aurait presque pu se réjouir de la réaffirmation de son soutien dans le début de la phrase si celle-ci ne se terminait pas aussi lamentablement.

Un fois encore, nous devons faire face au syndrome Miss France chez un homme soucieux de plaire à tout le monde alors qu'il a le cul entre deux chaises. A vouloir trop ménager la chèvre et le chou, il ne réussit qu'une seule chose : se mettre tout le monde à dos. A vouloir plaire à 36.000 maires, il ne réussit qu'une seule chose : se mettre toute la communauté LGBT à dos.
Si seulement il pouvait se contenter de plaire à ceux qui lui ont donné leur bulletin de vote. Tout serait nettement plus simple. C'est d'ailleurs ce que Sarkozy a tenté de faire : plaire uniquement à son électorat (bon ok, là-dessus aussi, celui-ci s'est planté).

Alors, cette liberté de conscience... Pose-t-elle réellement un problème ?
Dans les faits, absolument aucun ! En revanche, pour ce qui est de la symbolique, cette déclaration est juste une catastrophe atomique.

Dans les faits : La Mairie est et reste le lieu où s'applique la loi.
Les maires ont toujours eu le pouvoir de déléguer à leurs adjoints la possibilité de marier des citoyens. Sur les trois dernières cérémonies auxquelles j'ai assisté, une seule était célébrée par un maire, et honnêtement, c'était loin d'être la plus réussie. Ont-ils aujourd'hui à invoquer une clause particulière pour se défiler où bon leur semble ? Non. Ont-ils besoin de justifier par un mot d'excuse qu'ils ont une obligation municipale ailleurs, un repas en famille à l'autre bout de la France, un tournoi de golf hyper important ou d'autres chats à fouetter? Non. Ils délèguent à un adjoint, point barre. Les futurs époux en sont informés par le bureau des mariages, "vous serez mariés par untel" et basta tout le monde est content. Dans les faits, ça se passe comme ça actuellement pour les hétérosexuels.
Les maires, y compris cet affreux jojo qui dirige la ville de Meaux, qui ont réclamé cette clause de conscience le savent très bien. Ils savent qu'ils n'ont pas besoin d'une clause de conscience pour se défiler si deux hommes ou deux femmes arrivent en tenue de cérémonie, ils savent que leur conscience si précieuse sera épargnée quoi qu'il advienne. Ils n'utilisent cet élément de langage, la fameuse "clause de conscience" que pour signifier leur opposition au projet de loi, ou leur opposition de principe à tout ce que veut faire la majorité. Comme il est politiquement incorrect de dire qu'on est homophobe, on se réfugie derrière une expression qui en jette plein la vue : La clause de conscience. Tadaaaaa !
Les maires savent qu'ils pourront se défiler. Les maires savent qu'ils utilisent cet argument pour masquer leur homophobie. Le président sait qu'ils savent qu'ils pourront se défiler. Le président sait qu'ils utilisent cet argument pour masquer leur homophobie. Pourquoi a-t-il cru pertinent de leur répondre sur ce terrain ? Pure démagogie et complaisance !
Moi, Président de la République, je me serais fendu d'un "Vous qui dites que le gouvernement à d'autres priorités pour les français que le 'mariage gay', cessez d'ergoter sur le seul point de ce dossier qui n'intéresse pas les français : votre petite conscience personnelle. Alors cessez de me parlez de cette clause de conscience. Vous déléguez déjà aujourd'hui comme bon vous semble la célébration des mariages à vos adjoints. Mais si vous avez d'autres objections plus sérieuses sur ce projet de loi, je suis tout à fait disposé à vous répondre". J'aurais certainement été hué, mais l'aurais assumé sans le moindre problème, d'une pierre deux coups et +1000 points au capital sympathie chez les français favorables au projet.

Cette déclaration est cependant un désastre au niveau des symboles.
Quand Hollande affirme que la liberté de conscience peut être invoqué dès lors que les époux sont de même sexe, il cautionne ce contre quoi nous luttons actuellement. Nous voulons l'égalité de traitement, et Hollande dit que l'homosexualité est une raison valable pour agir différemment. Cela est hautement préjudiciable car générateur d'homophobie.
De la même façon que nos opposants poussent à l'absurde en disant "aujourd'hui on veut marier deux hommes, demain l'inceste ou la polygamie", il serait facile d'en faire autant en déclarant "aujourd'hui la liberté de conscience pour les homosexuels, demain elle sera invoquée pour les juifs ou les arabes". Puisque je réfute la première objection, je ne peux cautionner la seconde.
Toujours au niveau des symboles, quel pitoyable exemple de citoyenneté pour les jeunes que cette liberté de conscience. On valorise ici une loi à convenances : "si la loi ne te plait pas, et bien ne l'applique pas". La porte ouverte à toutes les fenêtres.

Je me suis consolé comme j'ai pu en me disant que nous n'aurions pas Hollande, nous devrions faire avec Sarkozy. Et là, la question de la liberté de conscience des maires ne poserait pas de problème puisque celle de la réforme du mariage serait hors sujet.

J'ai eu un ami au téléphone à 42 sur l'échelle des Drama Queens (soit un bon 8 sur celle de Richter) qui vomissait ses tripes sur toute la gauche réunie, qu'il avait donné sa voix au PS pour la dernière fois de sa vie. Rien que ça. J'ai mis ça sur le compte d'une colère militante justifiée et je suis fier d'avoir su garder mon sang froid. Sous l'agacement, j'aurais pu lui dire qu'il me faisait bien rire, lui qui refuserait de se marier devant un adjoint au maire mais qui a accepté de signer un PaCS devant un juge au Tribunal. J'ai réussi à garder le silence. Parce que ce point de vue n'est pas ellegébétément correct. Je n'ai rien contre ceux qui ont signé un PaCS, chacun fait les concessions qu'il veut/peut avec les cartes citoyennes qu'on lui donne. Mais un peu de cohérence tout de même !

Là où je ne décolère pas, c'est que cette déclaration sur la liberté de conscience a des conséquences politiques qui me dérangent au plus haut point. Elle permet à Christine Boutin de se réjouir en déclarant "Hollande reconnaît la liberté de conscience des maires. 1 victoire, continuons : bientôt le référendum !" et donne raison à Jean-François Copé qui réclamait cette mesure. Une fois encore, nos opposants sont confortés dans leurs raisonnements hostiles et ont des arguments à distiller à leurs sympathisants. Pathétique.

Maintenant, puisque les maires de France ont déjà le droit de choisir selon leurs convenances ceux qu'ils marient, il faudrait peut-être que cette liberté de conscience soit accordée à un couple qui pourrait alors refuser d'être unis par un maire dont la gueule ou la couleur politique ne lui reviendrait pas. J'adorerais voir la tête de Copé si un couple hétérosexuel venait à lui dire "Heu, désolé Monsieur le Maire, mais ça va pas le faire. Nous souhaiterions être mariés par votre adjoint !". Jouissif, non ?

En ce bas monde où tout s'équilibre, rien n'existe sans son contraire. Alors qui dit liberté de conscience dit aussi liberté d'inconscience. Cette liberté d'inconscience, je la connais bien. Mes conneries baignent dedans. Alors je serais mal placé pour la refuser à autrui.
Alors François, je vais mettre ta déclaration sur le compte de ta liberté d'inconscience. Mais fait gaffe de ne pas en abuser, sans quoi tu finiras par perdre définitivement toute ma confiance. Et je ne la redonne jamais.

Mme Najat Belkacem, Mme Marisol Touraine et Mme Dominique Bertinotti : On compte sur vous maintenant.
A votre tour de ne pas nous décevoir.