Jury Criminel

Parmi les joyeuses nouvelles qui me sont arrivées au courrier de ce jour, une lettre de la Mairie estampillé d'un tampon "Jury criminel". Bien évidement, ma conscience pas si tranquille m'a poussé à ne voir que le "criminel". Allez, qu'est-ce que c'est que ça ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ? J'ouvre frénétiquement l'enveloppe, et commence par souffler un bon coup. C'est bon, je n'irai pas en prison sans passer par la case départ, sans toucher les 20.000 euros.
Non, la Mairie m'informe que j'ai la "chance" d'avoir été tiré au sort sur les listes électorales pour figurer sur celle des jurés appelés à siéger à la Cour d'Assises l'année prochaine. Et comme ils sont bien lucides de l'aubaine que cela représente, ils me préviennent tout de suite que je n'ai pas trop le choix. A moins d'avoir plus de 70 ans, à moins d'avoir un casier, à moins d'exercer une fonction incompatible avec celle de juré, on n'a pas vraiment son mot à dire... Je suis même prévenu d'avance que, selon l'article 267, il s'agit "d'une obligation pour tout citoyen requis, de répondre à cette convocation sous peine d'être condamné à l'amende prévue par l'article 288. (...) Si nécessaire, le greffier peut requérir les services de police ou de gendarmerie aux fins de rechercher les jurés qui n'auraient pas répondu à la convocation". Sympa.

Je suis joie !
Comme me l'a si élégamment dit @niconours , c'est bien la première fois qu'on me signifie par courrier que je me suis fait tirer sans que je m'en rende compte. N'empêche que là, tout de suite, je le sens bien passer...

Si mon naturel curieux me dit que cela peut être une expérience intéressante (à défaut d'être enrichissante au sens lucratif), je ne peux m'empêcher d'y voir à l'avance tous les inconvénients que cela implique :
- la contrainte de temps : j'ai des billets d'avion prévus six mois à l'avance pour aller siéger aux côtés de mon homme, moi madame... sans oublier les voyages !
- le silence : je vais devoir me taire ! oh la la ! Ils ont intérêt à prévoir un bâillon. Sans compter le fait de devoir rester impassible alors que je suis un livre ouvert !
- l'ennui : je repense à cet épisode de Sex and the City, où Carrie s'ennuie à mourir dans son tribunal...

Ce qui m'angoisse déjà, c'est d'avoir à me prononcer sur l'avenir de personnes que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Moi qui suis incapable de prendre en main mon destin, je vais devoir siéger à celui d'autrui. J'hallucine.
Et puis tel que je me connais, Sœur Marie-Thérèse-des-Orchidées que je suis, je vais systématiquement prendre le parti de la victime et charger à mort le coupable présumé. A moins bien sûr qu'il me fasse pitié et qu'il soit attendrissant ? Et c'est quoi une peine juste ? Œil pour œil ? Et les mauvais garçons qui font battre le cœur des filles un peu plus vite ? Et la vie brisée des victimes ? Mais où est donc Ornicar ? Au secours.
Olala, naaaaan, c'est trop duuuur, je ne veux pas, je ne peux pas, je ne veux pas, je ne peux pas...

Toi, qui a commis un crime et qui va passer devant la Cour d'Assises de Paris en 2013, tremble et sache dès à présent que tu risques d'être examiné par un indécis notoire, qui pourrait très bien avoir un à priori négatif parce que tu portes une cravate ! C'est vrai, j'ai toujours trouvé les cravates très suspectes...

Là tout de suite, je me demande si dans le Droit français, un juré peut être récusé comme aux US ?
Si je me pointe au tribunal en platform shoes et que je vocifère d'un doigt menaçant "Pendu ! Pendu ! Pendu ! Vous serez tous pendus !", ça devrait le faire, non ?

Toujours est-il que ce soir, j'ai l'impression d'être le premier à écoper d'une peine...