Et moi qui pensais qu'après les dérives et excès des débats sur le PaCS en 1999, les conservateurs auraient compris qu'ils ne doivent pas céder à l'injure et à la violence sous peine de passer pour de sombres crétins rétrogrades quelques années plus tard...
Et moi donc de croire que le vote de la loi sur l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe serait plus facile à vivre que celui vécu autrefois...
Quel naïf je fais.
Et moi de dire "Okay, maintenant que le projet est adopté à l'Assemblée Nationale, le reste n'est que pure formalité, ils vont se calmer".
Quel doux utopiste je fais.
Le passage du texte au Sénat et maintenant cette seconde lecture à l'Assemblée Nationale ne montre qu'une chose : l'escalade. Quand l'opposition tourne en boucle sur les mêmes arguments, sans écouter les réponses faites, sans tenir compte des votes actés, elle n'a qu'un seul moyen pour prétendre une évolution : changer de ton et le durcir.
En rentrant de ma petite semaine de vacances salvatrices loin de l'actualité, je me suis arrêté chez mes parents. Ma mère m'a fait un debrief de la semaine écoulée : "Ils sont devenus fous. Ils promettent du sang maintenant". J'ai pris sur moi pour la rassurer avec une plaisanterie : "Comme quoi, les folles ne sont pas toujours celles qu'on croit."
Et chose promise, chose due, le sang a coulé. Déjà plusieurs fois.
Et non, les parlementaires de droite n'en prennent pas la juste mesure et continuent de souffler sur des braises qui galvanisent des manifestants dont ils affutent les armes. Mais non, non, claironnent-ils encore et encore, ils ne sont pas homophobes du tout.

Ils crient à la dictature et en appelle à la Démocratie pour être entendu. Alors que c'est justement l'exercice et le respect de celle-ci qui leur permet d'objecter dans les tribunes et de manifester dans les rues. Ils sont restés au pouvoir trop longtemps, ils ont oublié ce qu'est être dans l'opposition. Ils s'opposent maintenant à des aménagements législatifs qu'eux-mêmes ont mis en place ! Ils exigent le temps de la réflexion pour que l'opinion évolue dans le sens de la loi. Alors que justement depuis 8 mois que le dossier est sur le plan de travail, ils montrent qu'ils ne font rien pour aller dans ce sens, bien au contraire. Certains d'entre eux disaient encore hier qu'ils abrogeraient cette loi à leur retour au pouvoir... Ont-ils conscience justement que leurs propos ont dépassé le stade de l'homophobie à peine voilée et qu'ils mettent justement à mal cette Démocratie dont ils se targuent d'être les garants ? Ont-ils conscience des garde-fous qu'ils défoncent à grands coups de discours et des séquelles qu'ils laisseront ?
A un ami qui me demandait si Hollande aurait pu utiliser un 49-3 pour accélérer les choses et ainsi éviter l'escalade de la contestation et sa cohorte de violences, je répondais que c'est justement le respect du processus législatif qui donnerait à cette loi la force dont elle a besoin pour survivre au-delà d'une majorité de gauche.

Aujourd'hui je n'ai plus l'énergie des jeunes qui sont devenus militants avec ce projet. Mon engagement pourrait être qualifié de vintage tellement il date. Hier, devant la retransmission des débats à l'Assemblée, je me suis surpris à hurler à m'en étrangler. J'ai du couper pour retrouver un semblant de calme. Une nuit sans sommeil.
Jusqu'ici je trouvais que les Tables de la Sagesse était une vaste fumisterie. Comment ces trois singes qui se couvrent les oreilles, les yeux et la bouche peuvent-ils incarner cette valeur ? La sagesse pour moi a toujours été de lever le poing et d'ouvrir ma gueule face à l'oppresseur.
Aujourd'hui mes yeux saignent d'en avoir trop vu, mes oreilles coulent d'en avoir trop entendu, tout comme m'a bouche d'en avoir trop dit. La goutte d'eau, le vase, tout ça.
Alors oui, peut-être est venu le moment pour moi de faire le singe qui se couvre les yeux, la bouche et les oreilles. Peut-être pas complètement, je me connais. Mais prendre de la distance. Suivre de plus loin.
Mais j'ai bonne mémoire et je confesse une rancune très tenace.
Je ne suis pas prêt d'oublier les violences proférées par ces homophobes. Jamais. Tout comme j'imprime aussi mon profond mépris pour les média qui n'ont eu de cesse d'inviter les antis sur leur plateau sans leur opposer une véritable contradiction, leur donnant ainsi une chambre d'écho pour faire monter la mayonnaise du buzz médiatique. Encore une fois, leur crédibilité n'en sort pas grandie du tout, bien au contraire.
Je reste persuadé que cette loi sera finalement promulguée. Il ne peut en être autrement.
La droite décomplexée de Nicolas Sarkozy aura fait les beaux jours du racisme et de la division des Français. Ses héritiers auront à rougir demain de leurs actes d'aujourd'hui.

Mais je suis moins naïf et utopiste que je ne l'étais. Je disais qu'après le vote de cette loi, les choses se tasseraient et que l'homophobie reculerait peu à peu. J'en suis bien moins persuadé. Cela prendra beaucoup plus de temps que je ne l'escomptais. Nos opposants sont tellement remontés à bloc et encouragés par des politiques et autres marionnettes médiatiques que je redoute le retour en force des "cassages de pédés" du siècle dernier. Il nous faudra être très vigilants. Les jeunes homos d'aujourd'hui n'ont pas connu l'époque des charmants garçons qui vous séduisent pour mieux vous péter la gueule chez vous. Sans sombrer dans la parano absolue, j'espère que ces "casseurs" d'hier ne seront pas des Hommen de demain... A scander leur "on ne lâche rien", ils ne désarmeront pas si rapidement. Les réseaux sociaux fourmillent d'ailleurs de menaces toutes plus flippantes les unes que les autres.
Avec la victoire nous nous réjouirons, mais soyons prudents au cas où...

Bien évidemment, je suis incapable de rester complètement sérieux très longtemps...
Alors sachez, Monsieur Wauquiez, que j'ai convoqué ce jour les trois fées Flora, Pimprenelle et Pâquerette et que nous nous sommes penchés sur le destin de vos enfants, Baptiste, 10 ans, et Louise, 6 ans. Nous avons convenus que dans quelques années Baptiste tomberait amoureux transi d'un jeune prénommé Aziz, magistralement pourvu pour contenter les fantasmes les plus fous du petit. Et pour Louise, nous lui avons choisi une superbe Camille, un peu butch certes mais très citoyenne respectueuse et honorable.
Bien évidemment, nous nous chargeons de rembourser les soins en psychanalyse une fois qu'ils vous auront demandé des explications sur vos paroles homophobes de ces derniers mois. Vous pouvez également compter sur la présence des associations LGBT pour leur apporter tout le soutien psychologique nécessaire. Faire partie d'une communauté opprimée, c'est aussi être une famille qui a appris à se serrer les coudes face à la médiocrité de gens comme vous. Personnellement, je préfère vivre dans cette famille-là que dans la votre ou celles fantasmées que vous croyez défendre.
Cordialement.

Allez encore un peu de courage et de temps, et ce combat ne sera plus qu'un souvenir. D'ici là, je décroche des débats. A quoi bon opposer la raison face à l'aveuglement de la haine. Je laisse à d'autres la beauté de la rhétorique intellectuelle. Pour ma part, je me contente désormais d'un sonore mais néanmoins respectueux et citoyen "NAN MAIS TAGGLE".
Je risque d'accumuler beaucoup de mauvaises énergies, alors je déconseille vivement à un opposant de croiser ma route et de m'aborder avec ses tracts et ses idées : l'effort surhumain que je vais faire chez moi derrière mes écrans, je ne peux le garantir dans la rue, sur un marché, dans un café ou autour d'une table...
Dont acte.