Monsieur le président, je vous écris une lettre que vous ne lirez pas. J'étais même sur le point de la jeter à la corbeille. Mais après tout, la différence entre publication et poubelle est si subtile parfois...

Moi, citoyen de la République, j'ai été invité à voter aux primaires de la gauche pour désigner le candidat qui devait affronter le président sortant. Votre nom n'est pas celui que j'ai glissé dans l'enveloppe, mais je me suis fait une raison.
Moi, citoyen de la République, j'ai fait campagne pour vous, à mon échelle, en donnant de la voix à chaque occasion qui m'était offerte pour convaincre opposants, indécis et potentiels abstentionnistes. Sans grand effort je l'avoue. J'ai toujours voté "socialiste", cette démarche me semblait d'autant plus naturelle qu'indispensable.
Moi, citoyen de la République, j'ai dansé la victoire. J'ai bu au départ de l'un en croisant les doigts pour l'autre tant je savais la tâche à venir ardue.

Moi, citoyen de la République, j'ai soufflé de soulagement quand votre gouvernement a osé tenir sa promesse d'ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes de même sexe. Outre la joie de voir cette loi sur le plan de travail, j'y voyais aussi la volonté de tenir vos engagements de campagne.
Moi, citoyen de la République, je me suis aussitôt étranglé quand vous avez semé le trouble en parlant de "clause de conscience des maires" et quand vous avez fait différer la question de la PMA/GPA. Mais la loi a été promulguée, avec beaucoup d'émotions et non sans mal, le pas était franchi, les autres se feraient sous peu... La machine semblait en marche...

Moi, citoyen de la République, j'ai été abasourdi quand j'ai vu perdurer la violence de la politique d'immigration ainsi que l'abandon du droit de vote des étrangers, l'absence de décision sur les licenciements abusifs et les concessions faites avec l'ANI... Je ne vais même pas parler de la réforme de l'imposition, tellement je suis peiné de constater votre inaction en ce qui concerne l'évasion fiscale... Et j'en passe...
Moi, citoyen de la République, j'ai été plus que dubitatif en écoutant votre Pacte de Responsabilité avec les entreprises... Si sur le papier, cela pourrait fonctionner, il me semble illusoire d'espérer que celles-ci jouent le jeu. D'ailleurs à la longue, le Medef n'a-t-il pas plus intérêt à vous voir échouer que réussir ?
Moi, citoyen de la République, je n'oublie pas cependant de vous créditer pour des choses comme le non-cumul des mandats, la création de la Banque Publique d'Investissement, l'abrogation de la circulaire Guéant, la mutuelle entreprise obligatoire pour n'en citer encore que quelques-unes...

Moi, citoyen de la République, j'ai été lassé de votre façon de danser la politique en faisant un pas en avant, un sur le côté, pour mieux en faire un en arrière. En période de troubles économiques et d'agitations sociales, il convient de savoir tenir un cap. Tous les français ne partageront jamais toutes vos décisions, mais au moins ils sauraient sur quel pied danser.
Moi, citoyen de la République, je crois que vous vous efforcez continuellement de plaire à vos ennemis. Une colère aveugle et des préjugés d'étiquette les animent, vous ne les convaincrez jamais. Pourquoi ne pas tenter de satisfaire ceux qui vous ont élus ? A ce jeu-là, vous ne réussirez qu'une seule chose : être haï de tous.

Moi, citoyen de la République, j'entends des personnes qui ont contribué à votre élection jurer qu'on ne les y prendra plus. Je ne peux pas leur en vouloir... Vous aviez la possibilité de fidéliser un électorat qui avait exceptionnellement voté pour vous en rejet de votre prédécesseur. Vous êtes le seul à blâmer pour cet "epic fail" qui profitera à qui vous savez... Ils s'en mordront les doigts, mais le mal sera fait.

Alors bien évidement, je me suis posé aussi la question de mes votes à venir. Seront-ils "socialistes", "écologistes", "front de gauche" ?
Pour ce qui est des Municipales, j'aurais voté à nouveau avec plaisir pour Daniel Vaillant qui a été un maire brillant pour le XVIIIème arrondissement de Paris. Mais celui-ci respecte la loi de non-cumul des mandats et laisse sa place. Pareil en ce qui concerne Bertrand Delanoë qui a choisi de ne pas se représenter. Alors dois-je faire porter le chapeau de vos erreurs à leurs "poulains" respectifs ? Dois-je traduire une déception et une colère nationale sur un scrutin local ? Ce serait grotesque. Surtout qu'à Paris, la menace de voir Nathalie Kosciusko-Morizet l'emporter est trop importante. Et ça non. Merci. Vraiment. VRAIMENT.
Pour ce qui est des Européennes ? Finalement, je me dis que j'ai la même considération pour le "vote sanction" que pour le "vote utile".  Les deux ne sont pas bien intelligents. Après tout, je me dis que le "vote par habitude" ne l'est pas moins. Alors j'écouterai les discours des partis de ma sensibilité et voterai en conséquence, selon mes valeurs et tachant de ne pas y mettre trop d'affects.
Reste les Présidentielles de 2017...
Votre prédécesseur était un adepte de la Raffarinade "ce n'est pas la rue qui gouverne" et faisait fi des milliers de manifestants contre sa politique des retraites ou même d'un référendum européen... Je trouvais cela abjecte. Néanmoins, vous avoir vu la semaine dernière abdiquer sur la Loi Famille et l'éventualité de la PMA à cause de manifestations religieuses et extrémistes de droite a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Ne pensez pas qu'ils vous en seront reconnaissants, ils vous détesteront toujours autant et voudront toujours votre démission, ou comment se faire arracher le bras en donnant la main... En cédant aux extrêmes, vous mettez en danger les valeurs de la République et ouvrez une boite qu'il vous sera bien difficile de refermer.
Vous m'avez perdu sur le plan politique. Qu'en est-il du plan humain puisque celui-ci semble peser dans la balance présidentielle ? Libre à vous d'avoir les histoires de cœur qu'il vous plait. J'entends dire ici et là qu'un Président doit mettre sa vie personnelle de côté le temps de son mandat. Moi, ça me ferait flipper que le pays soit entre les mains d'un homme frustré par un trop plein de testostérones. Valérie a subit le sort qu'elle avait fait connaitre à Ségolène. C'est triste pour elle, mais ainsi va la vie. Maintenant, il y a une façon de faire. Votre communiqué AFP la congédiant était d'une rare goujaterie. "Je fais savoir que j'ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler". Un "nous" ou une formulation impersonnelle aurait eu tellement plus de respect et de classe. Manifestement, votre égo en manque cruellement.

Pour toutes les raisons évoquées dans cette lettre, sachez que Moi, citoyen de la République, j'aurais beaucoup de mal à voter à nouveau pour vous au premier tour en 2017. Il vous reste trois ans pour me faire changer d'avis.
L'idéal serait peut-être que vous ne vous soyez pas candidat à votre succession...

Citoyennement votre,

Yann P.